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Historique du vignoble charentais et création du Conservatoire du Vignoble Charentais


De nos jours, le vignoble charentais est réputé pour ses eaux de vies de Cognac. La production de vins de bouche (vins de pays charentais), malgré une évolution importante (+ de 100 % en 15 ans) reste marginale avec environ 90 000 hl en 2008 (Syndicat des Producteurs et de Promotion des Vins de Pays Charentais, 2010). Pourtant avant le développement de la distillation au XVIIème siècle, les Charentes et plus particulièrement l'Aunis étaient réputées pour leurs vins...

Des vins reconnus au moyen âge


Le « vieux vignoble » charentais ne trouve pas ses racines historiques à proximité de Cognac, mais plutôt en Aunis, autour de La Rochelle et des îles de Ré et Oléron. En effet, un grand vignoble médiéval, orienté vers la production de vins de bouche a précédé le vignoble de Cognac. Ce n'est qu'à partir du XIVème siècle que la région cognaçaise va développer la culture de la vigne

A cette époque, les vins d'Aunis étaient placés parmi les meilleurs vins blancs (Olivier de Serres, 1629, in Cantagrel et Lacouture, 1993, non publié). Les cépages utilisés pour les vins blancs étaient :
  • le « Chemère », dont aucune correspondance avec un cépage actuel n'a pu être constatée
  • le « Chauché gris » qui s'avère être la forme grise du Trousseau noir du Jura

Pour les vins rouges, le cépage utilisé était le « Chauché noir » qui serait peut-être le Trousseau noir du jura (Travaux en cours au Conservatoire du Vignoble Charentais)

C'est seulement à partir du XVIème siècle que l'on verra la multiplication de cépages comme la Folle blanche ou le « Balzac noir » (Mourvèdre) (Julien Labruyère, 1982).

Les origines du Cognac (d'après « Le  Cognac » de J. LAFON, P. COUILLAUD et F. GAYBELLILE, 1973)


La distillation a débuté en Aunis et en Saintonge au XVIème siècle. L'apparition de cette pratique semble liée à plusieurs motifs :

un excès de production, qui conduisait les viticulteurs à essayer de stocker les vins les années de mévente. Cependant, la conservation étant très aléatoire et les vins titrant des taux d'alcool faibles, beaucoup s'altéraient.

Ces vins pour beaucoup étaient exportés vers l'Europe du Nord et notamment vers la Hollande et l'Angleterre. Les commerçants hollandais trouvèrent plus avantageux de transporter un produit distillé qui prenait moins de volume (il était ensuite « coupé à l'eau ») et qui était également stable au niveau de sa qualité.

Au fil des années, la région de Cognac, et principalement « La champagne » et « les Borderies », va s'affirmer comme le meilleur secteur de production au niveau qualitatif. Le fleuve assurera pendant longtemps un rôle important dans le transport des eaux de vie vers les ports.

A cette époque, l'encépagement est dominé par la Folle blanche, mais également le Colombard. On retrouve également une multitude d'autres cépages « secondaires » comme le « Chalosse » (Montils), la « Daune » (Sémillon)... Des cépages noirs sont également présents, probablement pour la production de vins de bouche, le plus plantés à l'époque était le « Balzac noir » (Mourvèdre). Il est à noter que l'on trouve quelques traces écrites de la présence (anecdotique) de l'Ugni blanc dès le XVIIIème siècle (Munier, 1779)

Le Phylloxéra et la reconstitution du vignoble


Phylloxera vastatrix, insecte ayant une forme aérienne et une forme souterraine, est originaire d'Amérique. C'est sa forme souterraine qui va entrainer la mort de la vigne par les multiples piqures qu'elle provoque sur les racines. Ce fléau est apparu en Charentes dans les années 1870 (probablement en 1872 à proximité de Cognac). Très rapidement, il va décimer le vignoble, provoquant la perte de nombreuses surfaces viticoles qui ne seront jamais replantées (près de 280 000 ha avant l'invasion phylloxérique contre près de 78 000 ha en 2010). La crise phylloxérique, au delà des conséquences désastreuses au niveau économique et social, va générer un élan d'inventivité. C'est notamment à cette époque que la Station Viticole de Cognac sera créé en 1892, sous l'égide du professeur Louis RAVAZ. Des études importantes sur les porte-greffes (seule solution efficace pour lutter contre le phylloxéra) seront menées dans les Charentes par des obtenteurs reconnus (Couderc, Millardet, Vidal …)

La reconstitution du vignoble, après quelques tentatives « manquées » par l'utilisation d'hybrides producteurs directs (mauvaise qualité), se fera principalement avec un cépage : l'Ugni blanc. Ce cépage connu également sous le nom de « St Emilion des Charentes » est fortement cultivé en Italie et plus particulièrement en Toscane, sous le nom de « Trebbiano toscano ». Il est actuellement bien adapté aux exigences de la viticulture charentaise et constitue plus de 95 % de l'encépagement.

Un patrimoine important à sauvegarder : Naissance du Conservatoire du Vignoble Charentais


Durant ces nombreux siècles, le vignoble charentais s'est adapté entrainant des évolutions majeures au niveau de ses pratiques, il constitue un véritable patrimoine dont la sauvegarde est devenue inéluctable. Aussi, un petit groupe composé d'élus, de professionnels locaux et d'un centre de formation viticole : l'IREO de Richemont, décide de créer en mai 1998 le Conservatoire du Vignoble Charentais. Cette association aura alors pour but de conserver et de valoriser le patrimoine viticole charentais, et notamment l'encépagement, auprès de la population et principalement de la profession et des étudiants en viticulture. Très rapidement, le Conservatoire du Vignoble Charentais va prendre sa place dans le tissus local et devenir un acteur reconnu au niveau du patrimoine viticole charentais.

Des travaux de sauvegarde des variétés anciennement cultivées


En 2003, le Conservatoire du Vignoble Charentais a lancé une opération de prospection de   grande envergure. Cette action, qui reçoit l'appui du Bureau National interprofessionnel du Cognac et de la Chambre d'Agriculture de la Charente Maritime est menée en partenariat avec l'INRA de Montpellier, l'INRA de Bordeaux et l'Institut Français de la Vigne et du Vin. Au terme de 7 années de prospections, les résultats sont importants :

  • 67 cépages recensés, hors cépages « classiques » de l’appellation, sur les deux départements (sur des parcelles anciennes, dans des treilles ou des souches ensauvagées.
  • Un nombre de cépages prospectés supérieur au recensement bibliographique réalisé par le conservatoire en 1999 à partir des principaux ouvrages traitant de l’histoire du vignoble des Charentes.
  • Des différences entre les variétés prospectées et les inventaires présents dans les écrits sur l’histoire du vignoble.
  • (Re) découverte de 4 cépages inconnus (n’ayant jamais été rencontrés ni décrits par les scientifiques auparavant). Il convient de souligner la rareté de ce type de découverte, tant en France qu’à l’étranger à notre époque. Ces variétés originales constituent probablement les vestiges du vieux vignoble médiéval (Pleau B., Plant des Brosses N., Plant de la Raise Maritaise N., Ile sous Garde N)
  • Présence de variétés rares, considérées parfois comme disparues du vignoble (ex : Mérille grosse, Magdeleine noire des Charentes, Trousseau gris).
  • Confirmation de la présence de cépages plus méridionaux sur plusieurs sites. Par exemple la Clairette B en Provence (Mourvèdre N, Colombaud B, Calitor N) et dans le Sud Ouest (Penouille N., Crouchen B)
  • Recensement de 26 lambrusques autochtones (Vitis vinifera subsp. silvestris). Ces vignes sauvages constituent les « origines » de la vigne. En effet, les lambrusques sont un élément de la flore sauvage à part entière et leur sélection par l’homme au fil des siècles a contribué à l’apparition des cépages cultivés de nos jours. Cette sous espèce, devenue très rare en Europe et autour du bassin méditerranéen, est protégée par la loi en France et dans plusieurs pays.

L'ensemble de ces cépages est conservé sur la collection ampélographique du Conservatoire du Vignoble Charentais qui regroupe à ce jour en un seul site près de 170 accessions.

Une valorisation des cépages anciennement cultivés


Parallèlement à la sauvegarde des cépage anciennement cultivés, le Conservatoire du Vignoble Charentais s'est doté d'un atelier de microvinificaton en très petit volume (5 litres) et d'un atelier de minivinification (1 à 2 hl). Ces deux ateliers sont ainsi regroupés dans une structure à vocation expérimentale : l'Ampélopole.

Dans ce cadre, le Conservatoire du Vignoble Charentais travaille à la réintroduction de cépages anciennement cultivés et dispose de 7 parcelles d'essai chez des viticulteurs de l'appellation :
  • 4 pour la production de vins de Pays Charentais
  • 3 pour l'élaboration de Pineau des Charentes.

Ces essais, menés dans le respect des règles expérimentales, visent à tester certains cépages anciennement cultivés (Chauché gris, Pineau d'Aunis...) avec des méthodes de culture actuelles. L'objectif étant à moyen terme de proposer des cépages « authentiques » à la viticulture charentais

En près d'un millénaire, les mutations de la viticulture charentaise ont été profondes, avec de constantes adaptations (crises économiques, crise phylloxérique...). Ces évolutions ont conduit à un vignoble quasi monocépage. Pourtant, le patrimoine ampélographique charentais est riche et plusieurs variétés anciennes méritent que l'on s'attarde sur leurs caractéristiques. Le Conservatoire du Vignoble Charentais s'applique à cette tache en œuvrant pour proposer des cépages locaux à la viticulture charentaise.

Conservatoire du Vignoble Charentais